L’Huilerie

par Jacques Fleury

Si cette maison a une âme – et elle en a une – c’est celle des Fleury qui s’y sont installés vers 1650 et l’ont occupée de générations en générations jusqu’à ce qu’elle soit vendue à ses actuels propriétaires Laurence et Romain. Les premiers étaient tonneliers, leurs successeurs des charpentiers dont la trace reste dans les plus vieilles demeures du village : au début du 18ème siècle on venait chercher un Claude Fleury pour expertiser les charpentes à Saxy-bourdon et dans les villages alentour.

L'Huilerie de nos jours.
Entrée dans le local de la meule.

La locomobile devant l'Huilerie.

C’est un autre Claude, le fils du précédent qui, au milieu du 18ème siècle, fut le premier d’une longue lignée d’huiliers.  Le moulin installé dans la Maison des Fleury, était alors mu par un cheval blanc qui faisait tourner la grosse roue de pierre verticale sur sa sœur horizontale, écrasant les cerneaux de noix, l’œillette ou les graines de chanvre.

Ce qui rapportait le plus, c’était l’huile de noix. Presque un produit de luxe. Les noyers étaient abondants, dans les haies et dans les champs de la paroisse. A la fin de l’été, les enfants et les femmes en ramassaient les fruits précieux avec attention. La récolte en était surveillée entre voisins et même dans les familles, elle faisait l’objet d’un partage jaloux. Au point que dans les actes de successions les héritiers se partageaient les fruits d’un seul noyer.  A la fin de l’automne, le soir, près du foyer, on préparait les noix en famille. C’était un adulte qui les cassait pour éviter de les broyer. Dans une petite pièce de bois évidée, il posait la noix debout, pointe en haut, et d’un coup de marteau sec, en brisait la coquille. Puis les enfants décortiquaient le fruit et en dégageaient le « neuillon« .  Les cerneaux étaient alors conservés dans un sac accroché à la poutre jusqu’au moment où on les conduirait à l’huilerie.

Là, Claude Fleury puis ses descendants procédaient à un premier broyage. Les « neuillons » écrasés étaient alors chauffés pendant une vingtaine de minutes. Enfin ils étaient mis au pressoir qui en tirait une première, voire une seconde « presse ». Une fois le précieux liquide recueilli, il restait une sorte de bouillie grasse, un « pain de noix » noir, friandise dont les enfants et les adultes se régalaient.

                L’exploitation de l’huilerie s’est arrêtée en 1950. Le moteur électrique avait remplacé le cheval blanc ou l’âne mais les lieux étaient demeurés comme aux temps les plus anciens. Ils conservent aujourd’hui leur âme, grâce à Laurence et Romain.

Vue sur la grosse roue verticale en pierre.